Regards sur la recherche - L'exposition

Alexis Michaud (LACITO)


Mes principaux domaines de recherche sont la phonétique/phonologie et la typologie linguistique. Je m’intéresse en particulier au fonctionnement des systèmes prosodiques : tons de syllabe, tons de mot, et bien d’autres. Je suis également très intéressé par la linguistique historique : compréhension des mécanismes d’évolution, et reconstruction d’états anciens des langues. 

Par ailleurs, je suis convaincu qu’une des tâches essentielles des linguistes de notre génération est de tirer le meilleur parti des nouvelles technologies pour réunir une documentation de qualité sur les langues rares et menacées.

 

La Collection Pangloss d’archives orales, où sont déposées mes données recueillies sur le terrain, est un bel exemple de ce qui est faisable en la matière.


Après une thèse de phonétique au Laboratoire de Phonétique et Phonologie, j’ai rejoint en 2006 le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Je travaille au LACITO (Langues et Civilisations à Tradition Orale), laboratoire spécialisé dans l’étude des langues rares. J’y poursuis mes enquêtes de terrain au sujet de langues tibéto-birmanes, et mon étude de questions synchroniques et diachroniques soulevées par des langues sino-tibétaines et austroasiatiques.


Marie-Madeleine Jocelyne Fernandez(-Vest)   (LACITO)


Ma carrière académique a été partagée en alternance entre Universités (Langues et littératures scandinaves, Rennes 2, 1969-84 ; Linguistique finno-ougrienne, Sorbonne Nouvelle, 1998-2002 ; Linguistique générale, EPHE-Sorbonne, 1989-2008) et CNRS (Directrice de Recherche 2 puis Recherche 1, 1989, 2004; fondatrice et responsable de l’UMR OSTERLITS, Linguistique Ouralienne et Bilinguisme, 1998-2002; Directrice Émérite depuis 2013, CNRS & Sorbonne Nouvelle, membre de l’UMR LACITO). J’ai co-dirigé des projets de recherche et enseigné périodiquement dans une douzaine d’Universités d’Europe du Nord, et collaboré depuis 1994 avec plusieurs Universités californiennes (plusieurs fois Visiting scholar à l’UC Berkeley)). Mes publications (typologie, sémantique du discours et cognition, traductologie, langues scandinaves et finno-ougriennes) comprennent 25 livres et plus de 200 articles, récemment: 2005, (dir.) The Uralic Languages today. A cognitive and linguistic approach, Honoré Champion • 2012, Sami. An introduction to the language and culture, with a Sami-English-Sami lexicon, Helsinki, Finn Lectura • 2015, Detachments for Cohesion. Toward an Information Grammar of Oral Languages, Berlin, De Gruyter Mouton. Plurisdisciplinaire précoce (2 doctorats – littérature comparée/scandinave, linguistique finno-ougrienne – puis thèse d’Etat de linguistique générale), j’ai œuvré aussi comme traductrice (articles linguistiques et ouvrages littéraires, traduits de l’anglais, du finnois, du same du Nord et du suédois). Militante écosocialiste et mondialiste, on me définit souvent comme une rebelle (lutte contre le mandarinat après 68, jusqu’à ma rencontre miracle avec Claude Hagège (1978) qui me redonne l’enthousiasme du terrain; lutte contre la marchandisation de la recherche – CA de «Sauvons la Recherche», 2004-2009). Je retrouve enfin, gràce à l’écriture, mes amours de jeunesse: le théâtre (je me destinais à la mise en scène – stage auprès d’Ingmar Bergman en 1967) et la poésie (compagnonnage de Nils-Aslak Valkeapää, poète national same, dont je prolonge l’œuvre après sa disparition accidentelle).

Jean-Michel Hoppan (SEDYL)


Adolescent, je trouvais bizarre que le Musée de l’Homme fasse partie du musée d’histoire naturelle. Je me l’expliquais en pensant que c’était parce que les espèces d’humains préhistoriques autres qu’ Homo sapiens ne sont connues qu’à l’état fossile, d’une part, et que même Homo sapiens devait avant l’Histoire être assimilé à la nature, car pas encore civilisé et relevant donc du monde «sauvage». Je parvenais à entendre à peu près ce point de vue mais il m’était plus difficile de comprendre que les collections d’antiquités mésoaméricaines visibles à Paris s’y trouvent également : l’accès en débutait par un mur couvert de moulages d’inscriptions de Palenque. Pourquoi donc cela était-il rangé dans la Préhistoire alors que, par exemple, les antiquités de l’Egypte pharaonique relevaient du domaine de l’Histoire? L’écriture maya n’était pas déchiffrée, disait-on, et on considèrait que l’Histoire, dans cette partie du monde, ne commençait qu’à l’arrivée des Européens car les textes de l’Amérique précolombienne n’étaient pas lisibles. Il me semblait qu’il devait néanmoins exister une autre raison, indicible, car depuis un siècle plusieurs générations de chercheurs étaient parvenus à décrypter de nombreuses dates et, plus récemment, de nouvelles générations s’attachaient à déchiffrer aussi ce qui dans ces textes ne parlait pas de calendrier. Mon sentiment ne s’est pas amélioré quand, après mes études d’archéologie à Paris I, je me suis lancé moi-même dans cette fascinante aventure du déchiffrage des glyphes mayas, m’inscrivant pour un DEA en … «Préhistoire, anthropologie et ethnologie», l’unique filière à l’époque possible en France pour poursuivre des études en archéologie précolombienne! Depuis, bien du chemin a été parcouru, deux millénaires d’histoire préhispanique des Mayas ont peu à peu été remis en lumière et je suis heureux, bien que durant longtemps ce fut «contre vents et marées», d’avoir pu inscrire dans cette quête ma carrière au CNRS. Pour autant, de la route reste encore à faire dans les esprits : les collections américaines du Musée de l’Homme ont désormais été transférées au musée du quai Branly et, du coup, une partie d’entre elles a même sa place au Louvre, mais dirait-on de l’art des Pharaons ou des rois de Sumer qu’il s’agit d’»arts premiers» ?

Jeanne Zerner   (LLACAN)


Certains disent qu’en fait le VRAI CHEF du LLACAN, c’est moi, parce qu’au quotidien, rien ne m’échappe des enjeux et de la vie de l’unité (enfin j’espère !). Il y a des questions d’argent, de montage financier, de dépenses, de recettes, des questions de visa, des problèmes de photocopieur, des problèmes de temps, des problèmes de français, d’édition, d’Europe, d’Afrique, d’ANR, de missions, de santé, de stratégie scientifique, et parfois des problèmes de cœur. Je m’occupe de régler tout ça. Il paraît que même les chercheurs ont peur de moi (enfin j’espère !). Mais vrai de vrai, mon unique mission, au LLACAN, est de faire en sorte que chacun et chacune, chaque jour, puisse travailler le plus sereinement et efficacement possible, dans les meilleures conditions. 


Mon parcours, c’est d’abord la sociologie, mais ça ne nourrit pas son homme ! Alors j’ai suivi une MIAGE (maîtrise des méthodes informatiques appliquée à la gestion des entreprises), mais le privé c’est trop capitaliste pour moi ! Finalement, j’ai opéré un virage à 180° et fait mienne la devise « je sers la science et c’est ma joie » (à défaut d’être ma fortune !). J’ai été ingénieur en développement d’applications, mais l’administration m’intéresse – d’où un nouveau virage, à 90°, vers le pilotage d’unité de recherche. Je fais aussi beaucoup d’autres choses (je suis conseillère municipale, batuqueira, et créatrice de bijoux quand j’ai un peu de temps). C’est pour ça que je trouve que, franchement, 24H dans une journée, c’est vraiment trop peu.


Marie-Claude Simeone  (LLACAN)


Mes recherches consistent à décrire des langues qui sont peu connues et en danger de disparition à court terme. Sans tradition d’écriture, toutes sont encore parlées dans une zone qui longe les deux rives de la mer Rouge et le nord de l’Océan indien. Plus précisément en Afrique, la région dite de la « Corne de l’Afrique » : Erythrée, Djibouti Ethiopie, et dans le sud de la Péninsule Arabique : le Yémen, îles de Soqotra incluses, jusqu’à la frontière avec le sultanat d’Oman. Ces régions sont reculées et difficiles d’accès (îles, régions désertiques en plaine ou en montagne, non desservies par des routes), ce qui explique que beaucoup de ces langues n’ont été « découvertes » que récemment (la dernière en 1997) et qu’elles sont très peu documentées. On devine que ce travail ne peut se faire en laboratoire, il exige une présence régulière sur le terrain, au contact avec les locuteurs qui nous font partager leur culture et les connaissances de leur langue. Autant dire que ces recherches font passer au second plan les conditions de vie parfois difficiles sur le terrain car elles sont avant tout source de découvertes d’une grande richesse, tant sur le plan scientifique que humain.

Martine Vanhove (LLACAN)


Actuellement, je travaille principalement à la rédaction d’une grammaire du bedja, une langue couchitique parlée (principalement) dans l’est du Soudan. Mes nombreux séjours dans cette région de l’Afrique depuis le début du 21e siècle m’ont donné l’occasion de découvrir une nouvelle langue dans toute sa fascinante complexité, et à travers elle, des êtres humains chaleureux et généreux, une nouvelle culture et un nouveau pays. Et aussi d’être la « victime » d’un sens de l’humour dont j’ignorais les mécanismes et les ressorts. Je revoie mon accompagnateur me faisant réciter, devant chaque nouvel interlocuteur, une joute poétique comique que j’avais apprise par cœur. Personne ne m’avait pas dit qu’elle était fort grivoise, car pleine de sous-entendus culturels que la traduction littérale ne pouvait me laisser deviner. Lors de mes récitations, je n’ai jamais manqué de déclencher l’hilarité générale, alors même que l’humour du texte m’échappait complètement. Pourtant, il n’y eut rien de mieux pour briser la glace et entamer une riche moisson d’enregistrements. Ce n’est que lorsque j’ai voulu en faire état dans une conférence au centre culturel français de Khartoum qu’on m’a révélé la vérité. Quinze ans après, on en rit encore et j’ai publié le poème, avec l’accord de mes collaborateurs Bedja.


Ce que ne montre pas ce portrait, c’est que la recherche n’est pas une pratique solitaire. Pour un linguiste de terrain, il y a bien sûr d’abord les interactions avec les locuteurs de la langue étudiée qui transmettent leur savoir. Il y a aussi tous les collègues, doctorants et post-doctorants d’un laboratoire et les collègues des réseaux locaux, régionaux, nationaux et internationaux avec lesquels les échanges scientifiques, documentaires, techniques et administratifs sont constamment vivants et enrichissants. Ce sont aussi les projets collectifs auxquels on participe et qui irriguent nos recherches et élargissent nos centres d’intérêts. Et pour moi, une aventure humaine et collective inoubliable


Nicolas Quint (LLACAN)


Je suis depuis longtemps fasciné par l’extrême sophistication du langage humain. J’ai commencé par étudier et décrire des langues qui m’étaient proches (en particulier diverses modalités d’occitan) puis j’ai eu la chance de pouvoir me pencher sur des variétés plus lointaines, telles que les créoles afro-portugais (le capverdien, auquel j’ai consacré ma thèse de doctorat, et le créole casamançais, qui a constitué le sujet de recherche de deux de mes doctorants), qui m’ont ouvert au thème du contact de langues et m’ont fait prendre conscience de l’incroyable richesse du patrimoine linguistique africain. 

J’ai pu par la suite aller plus avant dans la découverte de ce patrimoine : depuis mon entrée au CNRS, je travaille régulièrement sur plusieurs langues heibaniennes (toutes parlées au centre du Soudan et appartenant au phylum Niger-Congo) et notamment sur le koalib, dont j’ai partagé la vie des locuteurs pendant plus de 15 mois. Plus récemment, j’ai ouvert un autre terrain en Afrique, sur la langue baïnouck (également Niger-Congo et parlée au Sud du Sénégal). Cette palette de langues me permet d’envisager les faits langagiers sous un autre jour et alimente au quotidien mes réflexions et mes recherches en linguistique. Je suis aussi sensible à la question du retour des connaissances vers les locuteurs. Ainsi, récemment, j’ai pu mettre en place un projet de traduction du Petit Prince en langue koalibe : une grande aventure linguistique et un beau moment de dialogue culturel.

Olivia Aubriot (CEH)


Je suis chercheure au Centre d’Etudes Himalayennes, en étant rattachée à la section 39 (espace, territoires et sociétés) du CNRS. Je travaille sur la gestion de l’eau agricole en Inde et au Népal, en m’intéressant avant tout aux dimensions sociales des techniques et de la gestion de cette ressource commune. Dans les années 1990 j’ai effectué ma thèse dans un village népalais, à 700 m d’altitude, où le système d’irrigation paysan permet 3 cultures par an dont du riz de mousson. L’ étude approfondie de l’histoire du canal, long de 6km à flanc de montagne, construit à la fin du 19e siècle, ainsi que du mode de gestion collective de l’irrigation a permis de révéler que l’utilisation d’une horloge à eau pour décompter les durées d’irrigation de chacun (comme en Tunisie ou en Iran) n’est pas due à un manque d’eau ou un déterminisme écologique  - puisque l’on est en zone de mousson, avec beaucoup d’eau  - mais s’explique par des raisons sociales.  

Je suis arrivée à la recherche un peu par hasard, suite à des rencontres qui m’ont incitée à poursuivre le questionnement après mon stage d’ingénieur en agronomie. Ne voulant pas m’en tenir à la mesure de niveaux d’eau dans les rizières, et voulant intégrer les pratiques paysannes et leurs logiques, je me suis orientée vers l’ethnologie, discipline dans laquelle j’ai effectué mon doctorat. Quant à la thématique de l’eau, elle m’est apparue importante lors d’un séjour en Algérie en 1983, pendant lequel j’avais été frappée par les problèmes d’alimentation en eau dans un quartier pourtant huppé de la ville : il fallait se lever la nuit entre 3 et 5h du matin pour faire des réserves d’eau, et la baignoire servait davantage à cela qu’à se laver ! 

Ce n’est donc pas en raison d’un himalayisme forcené que j’en suis arrivée à travailler au Népal. Et d’ailleurs, j’ai suivi le mouvement des populations de montagnes qui sont nombreuses à descendre dans la plaine népalais où j’y mène actuellement la plupart de mes recherches ! 


Stéphane Robert (LLACAN)


Petite, je voulais déchiffrer le linéaire A, cette écriture mystérieuse découverte dans les ruines du palais de Cnossos en Crête et dont le pendant (le linéaire B) avait été déchiffré par un archéologue et un spécialiste du chiffre pendant la 2ème guerre mondiale. J’ai fait du grec, du latin, puis du sanskrit, fascinée de découvrir dans le mot him-alaya (‘le séjour des neiges’), la tempête du grec (kheim-ôn) ou l’hiver du latin (hiem-s). J’ai d’abord cherché les apparentements cachés entre les langues, puis les structures sous-jacentes aux systèmes linguistiques particuliers. Rencontrant le wolof au Sénégal, j’ai voulu comprendre comment une conjugaison employée mal à propos pouvait devenir malpolie. Ça n’a pas été simple d’y arriver mais une fois le système verbal analysé, c’était limpide. Les langues sont des systèmes complexes, faits d’un emboîtement de niveaux structurels qui sont pris dans une double dynamique temporelle, celle de l’évolution de la langue à travers le temps et celle de la parole individuelle. Les mots peuvent ainsi servir de traceurs pour l’histoire du peuplement. 


Mais le plus fascinant pour moi est peut-être la dynamique de construction du sens d’un énoncé : comment le sens de l’énoncé se construit-il à partir de l’agencement de ces atomes de sens que sont les mots ? Or le sens du tout ne se réduit pas à l’addition du sens de ses parties. Il se produit différentes interactions à l’intérieur de l’énoncé, avec des effets stupéfiants de stratification du sens (comme dans les jeux de mots) ou d’interaction entre les niveaux structurels (grammaire et vocabulaire par exemple) ou encore avec le contexte dans lequel l’énoncé est prononcé : l’énoncé je vous coupe la tête sera interprété différemment si vous êtes chez le poissonnier ou sous la menace d’un fou…  D’où l’échec actuel de la traduction automatique. Il y a une invasion continuelle du sens dans l’usage du langage. Je suis allée la vérifier avec les neurosciences. On peut ainsi constater que le cerveau ne détecte même pas une anomalie grammaticale si l’énoncé fait sens pour celui qui l’écoute.


Dans toutes ses facettes, la linguistique est à la fois un travail de fourmi et une formidable course au trésor pour découvrir l’ordre caché, l’apparentement sous-jacent ou les règles implicites que notre cerveau connaît puisque nous savons parler mais que la recherche a bien du mal à expliciter et modéliser.

Yvonne Treis (LLACAN)


A l’école, je ne me suis pas particulièrement intéressée aux langues. Mes matières préférées étaient clairement l’histoire et les mathématiques. Quand je suis arrivée à l’Université de Cologne pour étudier l’histoire en matière principale, il fallait que je choisisse deux matières secondaires. Sans trop réfléchir, hop ! J’ai pris les études africaines qui étaient à la tête de la liste alphabétique des disciplines. Pendant mes premiers semestres, je perdais lentement mon intérêt pour l’histoire, en échange les langues africaines me fascinaient de plus en plus. Finalement, je me suis aussi inscrite en études linguistiques générales. Pour mon mémoire de maîtrise, j’ai analysé un corpus de textes d’une langue khoisan, le khwe, qui est parlé en Namibie. Comme je n’avais malheureusement pas l’occasion de travailler avec des locuteurs du khwe - le corpus avait été créé par une autre chercheure sur le terrain – je voulais absolument partir moi-même en Afrique pour mes recherches doctorales. Sur les conseils de mon professeur, je me suis lancée dans la description du kambaata, une langue couchitique de l’Éthiopie qui était très peu connue à l’époque. En 2002 j’ai fait ma première mission de terrain et depuis mes recherches sont liées aux langues éthiopiennes. Depuis quelques années je travaille aussi sur une langue omotique, le baskeet. Le baskeet et le kambaata sont des langues vitales, ce qui me permet d’étudier leur utilisation dans un environnement naturel et dans leur contexte culturel et social. Mon intérêt à une langue ne se limite pas à la grammaire, je m’occupe aussi des phénomènes ethnolinguistes. Ainsi j’ai décrit les tabous de langage parmi les femmes kambaata mariées et j’ai fait des recherches sur les chansons baskeet. La description et la documentation des langues mal connues sont des recherches scientifiques fondamentales et donc indispensables pour le progrès de notre discipline. Mais travaillant dans un pays très pauvre, je me demande de temps en temps si mon travail sur place est vraiment « utile ». Je suis sûre que les gens avec qui je travaille préféraient la présence d’un docteur en médecine au lieu d’un docteur en linguistique…

Claude Rilly  (LLACAN)


Je suis  chercheur au LLACAN (Langage, Langues et Cultures d’Afrique noire) depuis 2002. Mon travail principal est l’étude du méroïtique, la langue du Royaume de Méroé, que l’on appelle aussi le pays des Pharaons noirs, au nord du Soudan actuel. Elle est connue par plus de 2000 inscriptions, essentiellement gravées sur pierre ou tracées au pinceau sur papyrus, entre 250 avant J.-C. et 420 après J.-C. Il existait deux écritures, l’une cursive, l’autre hiéroglyphique, dont les signes sont empruntés à celles de l’ancienne Égypte.Elles ont été déchiffrées par un Britannique en 1911. En voici un exemple :

  



Mais être capable de lire une écriture et traduire un texte, ce n’est pas la même chose. Tous les Français savent lire le hongrois : c’est le même alphabet que le nôtre. Mais le comprendre c’est une autre affaire ! Or le méroïtique a disparu sans laisser de descendance au Haut Moyen-Âge. Ma principale découverte a été de démontrer à quelle famille de langues africaines il appartenait, une question débattue depuis 100 ans. Cette famille est le soudanique oriental nord, « SON » pour les intimes, un rameau du groupe nilo-saharien, comme la langue des Toubous du Tchad ou des Massaïs du Kenya. Les progrès sont encore lents, mais ça avance ! Un second volet de mon travail est l’archéologie, au Soudan bien sûr. Depuis 2008, je dirige les fouilles de Sedeinga, en Nubie soudanaise. Un immense cimetière y livre régulièrement des textes méroïtiques nouveaux. Une seconde mission s’est ouverte sur le même site sous ma direction, qui vise à démonter et restaurer les blocs d’un temple égyptien consacré à la reine Tiyi, belle-mère de Néfertiti et grand-mère de Toutankhamon, car les Égyptiens ont longtemps colonisé les ancêtres des « Pharaons noirs ». C’est pour moi un retour aux sources puisque c’est l’égyptologie classique qui me passionnait au début, au point d’apprendre les hiéroglyphes égyptiens dès l’âge de 7 ans. Le métier de chercheur est en effet rarement un destin subi : il y faut de la passion. Il y faut aussi de la persévérance : j’ai enseigné pendant 15 ans les lettres classiques dans le 93 avant que mes découvertes m’ouvrent les portes du CNRS et me permettent… de travailler encore plus qu’avant !

Stefano Manfredi (SEDYL)


Je suis né et j’ai grandi à Naples, ville cosmopolite et ouverte sur la méditerranée. C’est là que je me suis formé à l’étude de la civilisation arabo-islamique et de la linguistique africaine. Mon programme d’études, qui comportait l’apprentissage de l’arabe et du swahili, m’a graduellement conduit à développer un intérêt particulier pour les notions de frontières dialectales et linguistiques ainsi que pour les contacts ethnolinguistiques aux confins du monde arabe et de l’Afrique subsaharienne. 

Cette passion a finalement trouvé une application pratique dans l’étude linguistique des pidgins et des créoles à base lexicale arabe parlés en Afrique orientale. En même temps, je me suis toujours intéressé aux dialectes arabes dans la région tchado-soudanaise ainsi que à l’analyse des effets du contact entre arabe et langues minoritaires dans la même région. En particulier, j’ai récemment  commencé une recherche sur le laggorí, langue nilo-saharienne (dadjo oriental) parlée par trois mille locuteurs dans le sud-ouest des Monts Noubas (Soudan occidental). C’est seulement en 2012 que je suis arrivé en France grâce à une bourse d’études postdoctorale au sein du projet LABEX-EFL Fondations Empiriques de la Linguistique. 

En 2014, j’ai finalement réalisé mon plus grand rêve en devenant chercheur CNRS auprès du laboratoire SeDyL (UMR 8202). 


Amina Mettouchi (LLACAN)


Je suis née en Algérie d’un père kabyle et d’une mère normande, et ai grandi en Kabylie, parlant français et kabyle au quotidien, et apprenant l’arabe classique à l’école. A onze ans je suis venue faire mes études en France, et ai ensuite passé un baccalauréat scientifique. Mais ma passion a toujours été les humanités, et j’ai donc décidé de préparer le concours de l’ENS. D’abord attirée par la littérature j’ai rédigé une maîtrise sur une romancière britannique contemporaine, mais très vite j’ai été séduite par la linguistique. Je voulais inscrire un sujet de thèse en linguistique anglaise, mais mon professeur à l’époque m’a dit «quel dommage de faire une énième thèse de linguistique anglaise alors que vous connaissez une langue peu étudiée!». Surprise par cette proposition mais enthousiaste je me suis lancée dans l’étude linguistique du kabyle, que j’avais toujours pratiqué oralement, intuitivement, sans aucune idée de sa structure et de ses règles... Cette expérience a été très formatrice, et extrêmement gratifiante. Depuis, je me suis spécialisée en linguistique berbère, que j’enseigne depuis 2009 à l’Ecole Pratique des Hautes Études, après avoir enseigné pendant des années la linguistique anglaise et la linguistique générale à l’université de Nantes. Depuis vingt-cinq ans, je mène une recherche de terrain en Kabylie, ce qui me procure l’immense plaisir de rester en contact avec toute une partie de ma famille. En 2011, j’ai décidé de travailler sur une seconde langue berbère, la tarighit de l’oasis de Touggourt en Algérie, qui n’a jamais été analysée, et qui est en train de disparaître, puisqu’elle n’est plus transmise aux enfants et que tous ses locuteurs parlent également,et souvent principalement, l’arabe. Mon intérêt pour le travail de terrain et l’oralité a débouché sur une voie de recherche qui constitue un fil directeur des projets que je coordonne au sein du LLACAN (UMR 8135): la constitution et l’analyse de corpus. Je peux ainsi mener de front l’analyse grammaticale et les études sémantiques, prosodiques et discursives qui me passionnent, tout en collaborant avec des collègues travaillant sur d’autres langues. Mes futurs projets concernent l’élargissement de ces corpus à la posturo-mimo-gestualité, domaine auquel je m’intéresse vivement depuis quelques années.

Elsa Oreal (LLACAN)



C’est un peu gênant à avouer, mais je ne rêvais pas d’être le nouveau Champollion depuis ma plus tendre enfance, comme c’est le souvent le cas chez les spécialistes de l’Egypte ancienne. 

Je suis venue à m’intéresser à la langue des pharaons par un chemin plus détourné, passant d’abord par les langues classiques, et surtout le grec ancien. C’est après l’agrégation de grammaire que j’ai commencé presque par hasard à étudier l’égyptien ancien à l’Université de Yale où je passais une année. Pas tout à fait par hasard puisque je venais de faire mon premier voyage en Egypte avec mon mari dont une partie de la famille vit toujours là-bas. La beauté des pyramides fut sans doute pour quelque chose dans le choix de suivre un séminaire intensif d’initiation à l’écriture hiéroglyphique et à la grammaire de l’égyptien. 

Découvrir que cette dernière recélait encore des zones d’ombre à explorer fut très excitant, et de là tout a suivi.

Loïc-Michel Perrin (LLACAN)


J’ai beaucoup de chance : mon métier, c’est apprendre et comprendre les hommes en étudiant leurs langues ; c’est disposer de mon temps comme je l’entends pour pouvoir me consacrer à cette étude qui me dépasse. La recherche est certes une flânerie de l’esprit mais une flânerie qui demande méthode et rigueur. 


Pascal Boyeldieu   (LLACAN)


Mon travail consiste à décrire et à comparer des langues d’Afrique centrale (République Centrafricaine, Tchad et Soudan). Fait de circonstance ou choix délibéré, j’ai principalement travaillé sur des langues minoritaires, jusqu’alors mal documentées voire inconnues. D’un point de vue comparatif, ces langues marginales, souvent parlées dans des régions retirées, apportent toujours un éclairage nouveau et fécond sur la nature et l’histoire de leurs groupes linguistiques, précédemment connus à travers des langues de plus grande extension.

Depuis plus de quarante ans j’ai étudié, de façon plus ou moins approfondie, une dizaine de langues appartenant à des groupes divers ou constituant des isolats non classés. Entreprendre l’étude d’une langue nouvelle est à la fois stressant et passionnant. Stressant parce qu’on aborde un domaine inconnu, dont on n’est jamais sûr a priori de pouvoir surmonter les difficultés. Passionnant parce que de ce magma phonique que l’on transcrit d’abord avec hésitation, émergent progressivement des récurrences et des régularités révèlant un système riche et complexe, avec des associations et des effets qui présentent toujours quelque nouveauté par rapport à ce que l’on pouvait connaître par ailleurs. En ce sens, et même si la réflexion est naïve, j’ai toujours été admiratif de ‘l’intelligence’ des langues.

Je veux enfin saluer le travail et la patience des assistants linguistiques. C’est sur leur disponibilité, leur attention et leur précision que repose tout le travail dont les chercheurs peuvent tirer quelque fierté.

Paulette Roulon-Doko (LLACAN)


Je suis entrée au CNRS en 1971 au LLACAN (Langage, langues et cultures d’Afrique Noire) depuis sa création. Ayant une formation universitaire aussi bien en linguistique qu’en ethnologie, j’ai choisi de travailler selon une méthodologie ethnolinguistique qui associe étroitement l’étude de la langue et l’observation ethnographique. Mon domaine de recherche est la langue et la culture des Gbaya, une population de chasseurs cueilleurs cultivateurs vivant dans une savane verte au Nord-ouest de la République centrafricaine. Dans cette société sans hiérarchie donc sans spécialistes, le savoir est partagé par tous. Ayant vécu plusieurs années au rythme de la vie villageoise, je me suis intéressée à tous les domaines de la vie quotidienne. J’ai ainsi constitué un herbier, récolté des insectes et systématiquement observé les activités de chacun (chasse, cueillette, culture des plantes, cuisine et diverses autres techniques). Ma thèse d’état a donné lieu à la publication de trois volumes (1) l’expression de l’espace et du temps, (2) Chasse, cueillette et cultures et (3) Cuisine et nourriture consacrés aux savoirs des Gbaya ainsi qu’à leur expression linguistique. Parallèlement, j’ai régulièrement collecté des productions orales traditionnelles, contes, devinettes, chants et danses. J’ai aussi étudié la parole profonde que manifestent les proverbes dont le maniement est un savoir très valorisé. Les contes (un corpus de plus de 500 versions) dont j’ai déjà publié certains d’entre eux représentent un monde imaginaire très riche dont l’analyse globale est en cours. L’analyse linguistique du gbaya a également fait l’objet de nombreuses publications dont un Parlons gbaya qui rend cette langue accessible aux non spécialistes. Parlant couramment le gbaya, j’étudie non seulement la langue mais aussi la parole dans son contexte d’énonciation. Soucieuse de faire connaître la richesse de cette culture et sa spécificité, j’ ai produit deux films l’un sur un jugement traditionnel l’autre sur l’importance du manioc tant dans les repas que pour son rôle identitaire dans leur vécu quotidien. J’achève la rédaction d’une grammaire complète qui viendra s’ajouter au dictionnaire publié en 2008.

Fabrice Jejcic (LAMOP)


Linguiste spécialisé dans l’orthographe depuis 1979, j’ai fourbi mes premières armes linguistiques sous la houlette de Nina Catach. J’ai travaillé plusieurs années sur la norme orthographique, son système, son histoire et, à travers une enquête sur les pratiques orthographiques et une comparaison des orthographes des dictionnaires, sur la toute dernière réforme de 1990... nous pouvons désormais écrire : ile et flute, sans accents circonflexe ; mettre le composé un porte-avion au pluriel, comme un mot simple : des porte-avions, avec un -s au second terme ; franciser les emprunts : globe-trotteur, référendum, pizzéria, toréro, etc., avec la bénédiction de l’Académie française.

Depuis quelques années mes recherches portent principalement sur l’étude des orthographes non-conventionnelles, telles que celles des textes écrits en dialectes du français... en orléanais, par exemple, on écrit les variantes de prononciation : acoute pour «écoute» ; arbe pour «arbre», mais harbe (avec h-) pour «herbe» ; par contre, argne, qui est spécifiquement dialectal, désigne une «averse». Et, d’autre part, sur l’élaboration d’un lexique des 5500 mots les plus courants du français destiné à un enseignement plus rationnel de l’orthographe (français langue maternelle, français langue seconde et français langue étrangère).

Toutes ces variations orthographiques de la langue, à travers le temps et à travers l’espace, constituent la matière première à partir de laquelle j’essaie de mettre en évidence le fonctionnement et les éléments théoriques d’une linguistique sociale de l’écrit.

Parallèlement à ces travaux, et en dehors des éditions de textes, j’assume la responsabilité, au sein du LaMOP, du groupe «Histoire des systèmes graphiques du français et de ses variétés», et représente le CNRS à la Commission consultative de révision du nom de communes, placée auprès du Ministère de l’intérieur.


Benjamin Touati (LACITO)


Je m’appelle Benjamin Touati et, en plus de porter des chemises rayées, je suis linguiste rattaché au Lacito. Jeune docteur, j’ai soutenu ma thèse fin 2014. Cette thèse visait à faire une description la plus complète possible de la langue sakao, parlée par 2000 personnes au Vanuatu, en Océanie. Actuellement, je travaille sur la publication de cette thèse. 


Mes recherches portent sur des sujets assez différents les uns des autres. Tout d’abord, je travaille sur la comparaison des langues de l’Océanie, et plus particulièrement du Vanuatu, et ce à travers deux projets. Avec mon collègue Alexandre François, nous travaillons sur la comparaison et l’histoire des langues du Vanuatu à travers une nouvelle méthode de comparaison des langues inventée par lui-même et Siva Kalyan (ANU): la glottométrie historique. Cette méthode a pour but de mieux décrire l’histoire des langues en général et plus particulièrement les langues pour lesquelles la méthode classique de grammaire historique semble inadaptée, comme c’est le cas au Vanuatu avec ses très nombreuses langues (138 langues pour 250 000 habitants)

Par ailleurs,  je m’intéresse tout particulièrement à la comparaison et à l’histoire des marques personnelles plurielles dans pratiquement l’ensemble des langues des Îles Salomon, du Vanuatu et de Nouvelle Calédonie (ce qui correspond à un peu plus de 200 langues) en appliquant une méthode statistique : l’analyse factorielle de correspondances, en espérant que cette méthode donne des résultats intéressants.


À cela, s’ajoutent d’autres recherches un peu plus éloignées de la linguistique et de l’Océanie. Avec mon collègue Lameen Souag du Lacito nous nous intéressons au judéo-arabe parlé par les Juifs originaires d’Algérie. Car on s’est aperçu qu’il n’y avait pratiquement aucune publication sur le sujet et que, les derniers locuteurs ayant au minimum 70 ans, il était urgent de faire quelque chose. Ce travail consiste à récolter des données d’arabe auprès des Juifs nés en Algérie, et installés en France et de voir en quoi, d’un point de vue dialectal, ces données diffèrent des dialectes de l’arabe algérien parlé en Algérie.


Jérôme Picard   (CEH)


Je m’appelle Jérôme Picard, ingénieur de recherche en traitement, analyse et représentation de l’information spatiale au CNRS.  Je suis affecté au Centre d’Etudes Himalayennes  (CEH) à Villejuif et mon poste est mutualisé avec deux  autres laboratoires : le LACITO (Langues et civilisations à tradition orale) et le LLACAN (Langage, langues et cultures d’Afrique noire).


Unes de mes activités professionnelles consiste à produire des cartes numériques pour les chercheurs du CNRS. Beaucoup d’entre elles montrent la localisation des langues dans leur environnement, sur tous les continents. J’aime beaucoup les voyages, j’ai voyagé et je continue de voyager dans ma tête quand je réalise ces cartes : sans aller sur place, j’imagine les lieux. Les ouvrages de Jules Verne que je lisais quand j’étais enfant ont du me donner ce goût du voyage et cette recherche d’imaginaire qui l’accompagne. 


Joëlle Smadja  (CEH)


Comment devient-on géographe en Himalaya ? On peut se demander d’abord comment on devient géographe car c’est un métier auquel on pense rarement en sortant du lycée. Pour ma part, c’est après des expériences en faculté du côté de la médecine puis des sciences de la vie et de la terre que j’ai fini par choisir la géographie qui alliait le travail de « terrain » et les sciences physiques aux sciences humaines et sociales (histoire, économie etc.). Centrée sur la compréhension de l’utilisation de l’espace par les populations, la géographie est ouverte aux autres disciplines et m’est apparue comme une science d’une grande richesse qui m’ouvrait à la compréhension du monde.


Mes recherches en Himalaya, quant à elles, se sont faites grâce à l’obtention d’une bourse de recherche à la fin de ce qui correspond aujourd’hui au Master 2 qui portait, lui, sur les Hautes Alpes. L’Himalaya est donc une destination que je n’ai pas choisie mais qui m’a été proposée et que j’ai gardée comme terrain de recherche tout au long de mon parcours de chercheur tant cette région est passionnante et les gens qui y vivent sont chaleureux et accueillants. D’un travail en géomorphologie incluant des données sur les sols, l’érosion, la climatologie, je suis d’ailleurs passé à une étude des relations des populations à leur milieu naturel, approche plus sociale et culturelle qui mettait au cœur de mes investigations des entretiens avec les populations et rendait mon travail encore plus plaisant. C’est donc parfois de façon circonstancielle, par une série de détours et de hasards que l’on construit un métier qui répond à nos aspirations. 


Alexandre François (LACITO)



Le laboratoire que je dirige s’appelle le LACITO, Langues et Civilisations à Tradition Orale. Notre objectif est d’explorer la diversité des langues du monde, au-delà des grandes langues de communication qui sont déjà bien connues. La plupart des langues parlées sur la planète se sont transmises au fil des générations sans recours à l’écriture, et n’ont jamais été documentées jusqu’à présent. La seule manière de les connaître est de partir à leur rencontre, en allant passer du temps “sur le terrain”, au sein des communautés qui les parlent. Lorsqu’il s’agit de langues minoritaires dans leur pays, leur survie est souvent menacée à plus ou moins long terme, et notre travail de documentation et de description est assez urgent. Les effets de la mondialisation impliquent souvent des changements rapides autant sur les langues que sur les pratiques culturelles, si bien que nous nous intéressons tout autant à la diversité des cultures qu’à celle des langues. 

Au LACITO, nous étudions diverses régions du monde, du Grand Nord Arctique à l’Inde, du Mexique au Sahara, des pentes de l’Himalaya jusqu’aux îles de Polynésie. 


Personnellement, mon terrain c’est la Mélanésie insulaire – particulièrement les îles Salomon et le Vanuatu. Ces petits archipels du Pacifique Sud détiennent des records mondiaux en termes de densité linguistique : ainsi le Vanuatu, avec seulement 240 000 habitants, compte 138 langues différentes ! Cette impressionnante mosaïque linguistique est le fruit de trois millénaires de diversification, dans des archipels où chaque île aime à se différencier de ses voisines. En laissant se développer la diversité de leurs langues, les sociétés de Mélanésie ont constitué une véritable mine d’or qui s’offre aujourd’hui à nous. À travers nos explorations du monde, nous les linguistes et les anthropologues, nous sommes un peu des chercheurs d’or – mais de cet or qui fait la véritable richesse de l’humanité.


Énigme


Pourquoi ? La question revient souvent. Certes, il y a un peu de hasard. Mais aussi l’envie d’aller ailleurs, loin, rencontrer ces autres moi-mêmes qui vivent, parlent, pensent autrement. Et comprendre, montrer, expliquer, là-bas, l’humain. 


Bernard Caron (LLACAN)


Isabelle Léglise (SEDYL)


Ma plus belle réussite scientifique d’octobre, c’est vous!


Résultat d’un engagement de tous les instants, d’un travail de longue haleine exigeant, de solitude face à la page blanche mais aussi d’élaboration intellectuelle dans le partage et la confrontation d’idées, la formation à la recherche et par la recherche est un sacré défi, scientifique et humain.

Cette moisson de thèses pour la fête de la science est une belle récompense pour tout le chemin que nous avons parcouru ensemble :

Une thèse soutenue : Santiago Sanchez Moreano - Conséquences linguistiques et identitaires du contact linguistique et dialectal à Cali (Colombie) : le cas de l’ordre des constituants

Une thèse déposée : Joseph Jean-François Nunez - L’alternance entre créole afro-portugais de Casamance, français et wolof au Sénégal. Une contribution trilingue à l’étude du contact de langues

Une thèse soutenue à mi-parcours : Suat Istanbullu - Transmission des langues dans des familles arabo-turcophones venant d’Antioche et habitant en Ile de France ou Berlin

Elodie Chacon et Isabelle Michel  (CLT)


Entrée au CNRS, la conscience d’apporter ma modeste contribution à la recherche n’est venue qu’au fur et à mesure des années de travail, étape par étape. Rendre service et faciliter le travail des chercheurs me semble essentiel et plus spécifiquement se sentir utile sur le poste que l’on occupe en effectuant sa tâche avec intérêt au mieux des possibilités qui nous sont données. Que ce soit au sein de l’administration, des sciences de la vie, des Sciences chimiques et physique que des Sciences Humaines et Sociales où j’exerce actuellement mon activité au sein de l’UPS2259, la notion de service et d’aide à la recherche prend tout son sens, grâce au contact permanent que nous avons avec les chercheurs et les doctorants à la bibliothèque. Chercheurs et doctorants venant du monde entier, les relations humaines donnent un attrait et un intérêt supplémentaire à la fonction de bibliothécaire par la richesse des échanges et des discussions. La recherche est pour moi une grande fenêtre ouverte sur le monde, le monde de la connaissance. Le sentiment de participer à la recherche qui nous dépasse souvent, en y apportant sa pierre, dans un but humanitaire je pense ou du moins je l’espère, apporte une grande satisfaction. (Isabelle Michel)

La « dream team » informatique du Llacan


À nous 4, nous formons l’équipe des informaticiens du LLACAN. Ça peut sembler beaucoup, ce n’est pas trop ! Tahar est notre webmaster, mais développe également des outils en ligne pour nos ANR (CorTypo, Ellaf), et des systèmes de Wiki, sans compter la charge de tout le parc informatique de l’unité. Benoît est spécialiste de bases de données lexicales, et l’une des chevilles ouvrières d’une base de données de références des lexiques d’Afrique (RefLex) qui a dépassé cette année le million d’entrées notamment grâce à ses bons soins. Mourad est développeur sous contrat pour notre ANR CorTypo, où il développe les modules spécifiques d’un logiciel du Max Planck Institute. Christian, responsable de la troupe, coordonne le tout et est impliqué dans des collaborations internationales et dans le comité de pilotage de l’IRCOM. Il enseigne aussi les outils informatiques pour la linguistique de terrain à l’Inalco. Mais tous, nous avons à cœur également de veiller à la bonne marche du LLACAN, et tâchons d’être toujours disponibles pour épauler les chercheurs pour des problèmes informatiques en tous genres, et pas seulement techniques ! Nous les aidons à faire correspondre leurs problématiques avec les outils disponibles – ou créons nos propres solutions quand les outils n’existent pas. Ça nous prend souvent pas mal de temps et il n’est pas rare de voir un rai de lumière jusque tard sous la porte de notre bureau. Eh oui, comme de nombreux informaticiens, nous ne voyons pas passer le temps parce que nous sommes plongés dans la galaxie des bugs encore plus chronophages que des jeux-vidéos !